Cela faisait un moment que j’avais débarqué sur les lointaines terres canadiennes. Elles s’étaient offertes à moi, dans toute leur splendeur et leur noblesse et ce décor ancien empreint d’une histoire passionnante, changeait de ma chère Italie. Les couleurs n’y étaient pas aussi chaudes et gardaient la froideur du nord en leur sein, comme en voilant mon regard d’un filtre bleuté. Les coutumes étaient différentes que celles européennes, comme j’aurai pu m’y attendre. Les habitants étaient plus pressés mais restaient toujours aussi souriants, aimables et accueillants, si ce n’était plus. Cette attitude réchauffait l’ambiance céruléenne de la ville. Les immeubles de béton et d’acier s’étiraient vers le ciel et donnaient un aspect divin et puissant à Vancouver. Le verre était également maitre et renforcer ce ton céleste. Au pied de ces géants de métal s’étendait le port de la ville sur une eau limpide et lumineuse qui laissait danser les lueurs urbaines à la nuit tombée, dans un ballet féérique et colorées. Oui, cette citée canadienne était une petite merveille, un coin de paradis en plein essor et qui connaissait désormais son apogée grâce à la croissance économique du pays en totale explosion.

C’était ici que l’on m’avait envoyée, il y avait de ça déjà une petite semaine, pour un temps totalement indéterminé. Mais si j’en croyais les au-revoir auxquels j’avais eu droit avant mon départ, cela allait prendre un certain temps. Aleksey m’avait suivie dans mon voyage, mais pour une tout autre mission. J’étais heureuse de l’avoir à mes côtés et de le retrouver au manoir quand nous en trouvions le temps. C’était une part de chez moi dans cette nouvelle vie qui débutait. Tandis qu’il s’affairait à se glisser dans la masse à l’Université, je tentais tant bien que mal de m’immiscer également dans cette société et de recueillir diverses informations. Je devais savoir d’où venait l’incroyable accroissement de la population vampirique en ces lieux, mais aussi rallier vampires et surtout donumnis à notre cause. Grossir les rangs du clan italien nous permettrait de récupérer respect et prospérité au sein du monde surnaturel. Il le fallait.

Mais pour cette soirée, ce n’était pas les couleurs astrales du port qui illuminaient mon regard et émerveillaient mon esprit. Non, c’étaient les affreuses enseignes des boites de striptease, avec leur rose criard et leurs affiches obscènes qui m’éblouissaient et me rendaient limite aveugle. Les hommes souls qui titubaient sur la route et brisaient leur bouteille sur la tête d’un de leur compatriote. Enveloppée dans un grand manteau, je marchais vite, évitant le regard pervers des hommes se posant sur mes mollets nus. « Quelle idée de mettre une jupe dans un quartier pareil, ne cessai-je de me dire, après tout, il reste des êtres humains rejetés et travaillés par leurs hormones et formes primitives. » Ma présence en ces lieux était malgré tout justifiées et malheureusement nécessaire. Les vampires chassaient en général la basse société et s’en prenaient ainsi à ceux qui ne seraient pas recherchés, ou du moins pas de façon active. Le haut monde était donc moins souvent victime de nos attaques. J’avais de ce fait décidé, pour dénicher quelques striges, de m’aventurer dans ces mauvais quartiers. Mes talons claquaient sur les trottoirs sales où jonchaient des corps endormis et crasseux. Une odeur de bière et de pisse flottaient au milieu de ce décor sale qui ternissait l’image de ce beau Vancouver. La fange de la société croupissait dans la boue et pullulait à la surface de cette ville. Si ça ne tenait qu’à moi, je les aurai déjà tous exterminés pour laisser resplendir en paix la beauté urbaine, sans point noir purulent et ragoutant de la sorte.

Je rentrais au hasard dans un bar, cherchant du regard un être froid, sans âme qui vive et sans organes qui fonctionnât. Peine perdue. Après avoir survolé des yeux la pièce bondée, mon attention se posa sur une jeune femme blonde assise dans un coin de la pièce, le nez plongé dans son carnet. Je soupirai. Que faisait-elle dans un quartier aussi mal fréquenté, seule ? De plus, on ne pouvait pas dire qu’elle avait pris la peine d’essayer de se faire discrète. Ses cheveux relevés dévoilaient sa nuque nue. Son petit haut noir moulait ses formes féminines très convoitées par les hommes de ce bar. Si moi, je pouvais me permettre d’être en jupe, elle par contre, n’avait aucun moyen aussi efficace que moi de se défendre face à des êtres aussi mal intentionnés. Après tout, ça se saurait si un minimum de self-défense ou une arme à feu pouvait faire baisser le taux de criminalité, voir d’éviter aux jeunes femmes certaines mésaventures.

C’était cette chère Elizabeth Winchester, une chasseuse. Normalement, nous évitions d’entrer en contact avec de tels humains, mais un lien particulier m’unissait à elle. Je m’approchais de sa table, un air exaspéré sur mon visage laiteux.

« Encore en train de jouer avec ta vie. Tu sais, j’ai aussi des responsabilités, je ne peux pas te surveiller non stop. Il serait temps d’arrêter de faire n’importe quoi. Tu ne crois pas ? »